Abécédaire de la culture érotique. Suite et fin.
Pour ce dernier volet, nous avons choisi d’aborder deux sujets qui ont toujours fait débat et parfois même déclenché des séismes ! On démarre avec T pour développer le Tabou de la nudité. Les quatre dernières lettres de l’alphabet ne nous ont pas inspirées, alors on clôture avec V pour aborder l’obsession de la virginité.
T comme Tabou…
le tabou de la nudité

National Gallery of Art à Washington
Rappelons au sens large ce qu’est un tabou : un acte proscris parce qu’il transgresse quelque chose de sacré et va contre la morale ou un sujet dont il ne faut pas parler du fait de son caractère honteux.
Il y a des milliers de tabous . On ne pourrait pas les énumérer ! Le tabou de la nudité existe depuis que le monde est né . Il commence avec la Bible, quand Adam et Eve après avoir cédé à la tentation, prennent conscience qu’ils sont nus et se couvrent.
Pourtant dans les civilisations très anciennes, que ce soit en Egypte, en Grèce ou en Afrique, le corps s’expose dans toutes les couches de la société ; la nudité apparait comme naturelle et vivre nu ou presque est considéré comme un rapprochement avec la nature. En Grèce antique, les hommes sont nus durant les pratiques sportives et les femmes le sont également y compris lors de certaines cérémonies religieuses. En Afrique, la nudité totale ou partielle est chose courante dans les tribus et au Japon jusqu’au milieu du 19ème siècle, beaucoup d’habitants ignorent la pudeur et se rendent dans établissements mixtes pour s’y laver.

Gravure de Jean Galle d’après Jan van der Straet 1638.

les colons découvrant un peuple nu.
Le colonialisme a contraint de nombreux peuples à se vêtir : En découvrant de nouveaux continents, les occidentaux ont imposé leur culture morale, religieuse et donc… le vêtement. La nudité est assimilée à la sauvagerie et l’inculture.
Dans la Rome antique, le vêtement n’est pas fait pour cacher la nudité mais pour valoriser celui qui le porte. Le vêtement est en effet un moyen de distinguer le rang des personnes : l’homme ou la femme qui arborent une toge affichent leur rang, au contraire un citoyen peu vêtu est issu d’une classe inférieure.
Durant des siècles les civilisations polythéistes ont vénéré des Dieux et des Déesses et les ont représentés nus. Qu’il s’agisse de fresques, de poteries, de sculptures, l’art rend hommage à la nudité et également à la sexualité en montrant des scènes d’unions amoureuses.
Les religions monothéistes, elles, rejettent l’idée que les artistes dévoilent les corps : Michel-Ange sera contraint d’obéir au clergé et de « cacher » les parties dites honteuses des personnages peints au plafond de la Chapelle Sixtine.
Au 18ème siècle, en Europe, on fait définitivement et malheureusement le lien entre nudité et sexualité. Le corps nu devient taboo. Le corps est sale, il incite à la luxure et aux perversions. Les sociétés s’organisent pour combattre la vision des corps qualifiés d’obscènes. Religion, ordre moral, hygiène, dignité… Des lois sont promulguées permettant à l’état d’arrêter toute personne troublant la communauté : Montrer sa cuisse ou son torse est assimilé à un attentat à la pudeur et avec l’époque Victorienne qui occupe une grande partie du 19ème siècle, jamais les corps féminins n’auront été autant cachés. D’ailleurs de nombreux jeunes mariés se glissaient dans leur lit, le soir de leurs noces, sans savoir à quoi ressemblait le corps de l’autre.
Notre société moderne entretient encore aujourd’hui un rapport très ambiguë avec la nudité. On peut pour ainsi dire tout voir sur Internet et les réseaux sociaux, y compris une violence extrême et une intolérance exacerbée et pourtant on continue de faire la chasse à la nudité !
De nombreux magasins en ligne vendant des articles érotiques sur des corps dénudés sont censurés ou blacklistés, même s’ils affichent la mention réservé à un public majeur. En fait ce n’est pas la lingerie qui dérange, c’est la vue du corps . Ce n’est pas le bijou non piercing qui dérange, c’est la vue du téton non flouté…
A l’heure où la protection des mineurs reste essentielle et où il est nécessaire de réglementer l’accès aux images pornographiques, la nudité et/ou l’érotisme ne doivent pas être assimilés à la pornographie au risque de nous plonger dans une société aseptisée régie par les seules normes des moteurs de recherche.
Les plateformes de diffusion numériques censurent certaines œuvres d’art très célèbres comme la liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix, sous prétexte d’un sein découvert, et l’Académie des Beaux-Arts doit se battre ! Souvenons nous qu’avant l’ère d’internet, des têtes « bien pensantes » avaient décidé d’interdire l’exposition du tableau de Gustave Courbet « L’origine du monde ».
Pire encore, il y a quelques années, un célèbre réseau social avait censuré une vidéo réalisée pour une campagne contre le cancer du sein ! Jusqu’ou ira la bêtise des algorithmes qui traquent la nudité ?
V comme virginité…
une obsession qui ne date pas d’hier.

Le mot virginité vient du latin virginitas et de virgo (vierge). Etre vierge signifie ne jamais avoir eu de rapport sexuel. L’état de virginité a toujours été relié à l’hymen ( petite membrane située à l’entrée du vagin et censée se rompre lors de la pénétration). Aujourd’hui on sait que certaines femmes ne possèdent pas d’hymen et que pour beaucoup d’autres, il peut se « fendre » lors de pratiques sportives, lors de la masturbation, et même avec l’insertion de tampon hygiénique.
Depuis la nuit des temps la virginité a été associée à l’honneur et surtout à la pureté : N’oublions pas que Marie est tombée enceinte sans avoir « fauté » et donc a conservé sa pureté. Les religions, et pas seulement le Christianisme, prônent l’idéal de la virginité.
Au fil des époques, l’attachement religieux et/ou culturel à la virginité a engendré pendant longtemps l’obligation de vérifier la présence de l’Hymen. Oups ! Mais comme d’une femme à une autre, les choses divergent et que l’observation de l’hymen n’est pas toujours aisé, parce que même mes médecins du Moyen-Age sont indécis… on cherche chez les demoiselles, à repérer des signes tentant à prouver qu’elles sont restées chastes : la couleur de leur urine, la finesse de leur cou, la pudeur et la timidité affichées dans leur attitudes, etc... Inutile de vous dire que le regard effronté ou la démarche assurée d’ jeune fille laissaient planer le doute sur sa pureté !
Posséder une vierge, a longtemps été lié aux fantasmes sexuels masculins : l’homme asseyait sa virilité et sa domination en déflorant une femme pure, qui dans la plupart des cas, ne connaitrait pas d’autres hommes. Dans certains pays, durant le colonialisme, les hommes pouvaient acheter des jeunes filles vierges…
A propos des tests de virginité, saviez-vous que :
– A deux reprises Jeanne d’Arc, Jeanne la pucelle, a du se soumettre à un examen, pratiquée par des matrones, pour attester de sa virginité…
– Dans certains Etats Américains, on pratique encore le test de virginité, tout comme en Afghanistan où c’est la prison garantie s’il s’avère que la jeune femme a sauté le pas avant son mariage !
– Ces tests, humiliants et violents, s’avèrent sans aucune véracité scientifique, puisque comme vu précédemment l’hymen est parfois indétectable, voir inexistant. L’OMS (organisation mondiale de la santé) a d’ailleurs demandé leur arrêt il y a déjà quelques années et en France, la loi du 24 aout 2021 a intégré dans le code de la santé publique qu’un professionnel de santé ne peut rédiger un certificat pour attester de la virginité d’une personne » sous peine d’emprisonnement et d’amende.
– Dans certaines cultures, l’exposition du drap taché de sang, après la nuit de noces, atteste que la mariée était vierge. On croyait ce rituel révolu mais il semblerait qu’il soit encore pratiqué dans certains pays du Maghreb, en Asie et en Arménie.
– De fait, dans les pays où la virginité est imposée, les femmes ont recours à l’hymen artificiel. Inventé à le fin du 20 ème siècle, l’hymen artificiel composé d’une sorte de liquide rouge (à base d’albumine) est inséré dans le fond du vagin pour simuler une vraie « défloration »…